Publié dans Politique

Chronique judiciaire - Affaire Bibliocafé Tsarajoro : Des questions sans réponses

Publié le vendredi, 12 juin 2020

La plainte pour diffamation déposée par la nommée Rasoloharivony Marie Héloïse à l’encontre de deux journaux de la place, à savoir les quotidiens « Inona no vaovao » et « Tia Tanindrazana », a amené les gens des médias à se pencher sur l’affaire à la source de cette action judiciaire intentée contre leurs confrères. Les articles incriminés portaient en fait sur un litige immobilier concernant la propriété «  Bibliocafé Tsarajoro », sise à Mandrosoa Ivato,  un contentieux dont l’issue, jusqu’ici, laisse pantois  le simple citoyen. A la lumière des éléments d’information recueillis en effet, force est de constater que les décisions judiciaires intervenues dans le cadre de cette affaire sont pour le moins incomprises par les non-initiés aux arcanes du droit.

 

Non-lieu, arrêt cassé sans renvoi,  classement sans suite, etc. Telles sont en effet et entre autres, les réponses apportées aux plaintes -  étayées par des preuves et témoignages pertinents  -  pour « Faux, usage de faux, faux en écriture privée » contre Rasoloharivony Marie Héloïse, et ensuite pour « Faux et usage de faux en écriture publique et authentique – Escroquerie », toutes déposées par la propriétaire du « Bibliocafé Tsarajoro », Andriamisamalala Maminirina Lynda. A l’heure actuelle, au final, c’est cette dernière qui est sur le point d’être dépouillée de ses biens au profit de son adversaire.

L’histoire remonte au 17 septembre 2010, lorsqu’un acte de vente portant sur la propriété dite « Tanisoamahavelona » (terrain bâti incluant l’établissement « Bibliocafé Tsarajoro »), a été établi entre  Rasoloharivony Marie Héloïse, acquéreuse et Andriamisamalala Maminirina Lynda, propriétaire. Selon cette dernière, la transaction portait en réalité sur un prêt d’argent mais la prêteuse avait exigé l’établissement d’un acte de vente d’un montant de 51.600.000 ariary, représentant le principal et les intérêts, lequel acte serait ignoré une fois le prêt remboursé (voir témoignage infra).

Toujours d’après cette version, lorsque vint le moment de procéder au remboursement, la prêteuse serait devenue  injoignable aussi bien à son domicile qu’au téléphone. Grande fut la surprise de l’emprunteuse en recevant, 6 mois plus tard, une assignation de vider les lieux au motif que sa propriété, objet de l’acte de vente, a déjà été mutée au profit de sa créancière. C’est à partir de là qu’a commencé la saga judiciaire : Celle qui est devenue ex-propriétaire du « Bibliocafé Tsarajoro » porta plainte pour « faux, usage de faux et faux en écriture privée ».

Il est alors apparu que la mutation a été effectuée sur la base (entre autres) d’un tout autre acte de vente d’un montant de 41.000.000 d’ariary, d’un manuscrit intitulé « Fanamafisana sy Fanamarinana » (cf. facsimilé 1) destiné à rectifier une importante erreur sur l’acte de vente (deux documents que la plaignante se défend d’avoir signés), ainsi qu’une photocopie certifiée conforme de la carte d’identité nationale de cette dernière (cf. facsimilé 2). A noter donc, à ce stade, l’existence de deux actes de vente aux montants différents mais portant sur le même immeuble, établis à la même date et tous deux dûment enregistrés à la Mairie d’Ambatomainty le même jour.

Non-lieu, Arrêt cassé et annulé sans renvoi

Requis par les enquêteurs, un expert judiciaire en écritures et documents a conclu d’une manière catégorique  que l’écriture et la signature sur le manuscrit « Fanamafisana sy Fanamarinana » ne sont pas celles de la plaignante et a évoqué  clairement l’acte d’un faussaire (cf. facsimilé 2). Une deuxième expertise arriva à la même conclusion, mais en ajoutant « la signature apposée sur cet acte n’est pas de l’œuvre d’un faussaire », après avoir fait remarquer que « le scripteur  (c’est-à-dire l’auteur, ndlr) a fait exprès de faire paraître la fausse signature, il a altéré certains traits pour induire la religion du tribunal » (sic).  

Quoi qu’il en soit, malgré l’existence de deux actes de vente  -  dont l’un est donc forcément un faux  - ainsi que le sérieux doute quant à l’authenticité du manuscrit « Fanamafisana sy Fanamarinana », le juge d’instruction ordonna un non-lieu au profit de l’accusée.

La plaignante interjeta appel. Dans son Arrêt du 16 décembre 2014, la cour d’Appel a estimé que « devant ces conclusions contradictoires (des experts, ndlr), il ne saurait être admis que les charges retenues contre Rasoloharivony Marie Héloise soient insuffisantes ». L’ordonnance de non-lieu a donc été infirmée (annulée en terme simple) et la Cour a renvoyé l’affaire devant le tribunal correctionnel.

L’accusée s’est pourvue en cassation et le 15 décembre 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé l’Arrêt de la Cour d’Appel suscité avec la mention importante « sans renvoi ». En clair, cela signifie que, sur la plainte pour faux et usage de faux et faux en écriture privée, Rasoloharivony Marie Héloïse bénéficie de nouveau du non-lieu ordonné précédemment par le juge d’instruction.

Si ces premières décisions de justice intervenues dans ce litige immobilier sont déjà incompréhensibles pour le commun des mortels, la suite va l’être encore plus.

Classement sans suite

En avril 2017, Andriamisamalala Maminirina Lynda porta de nouveau plainte, mais cette fois-ci pour « Faux et usage de faux en écriture publique et authentique – Escroquerie ». Bien que les auditions de tous ceux qui étaient concernés par cette plainte  - à savoir les témoins figurant sur les deux différents actes de vente ainsi que les agents des services publics concernés de près ou de loin par la mutation de l’immeuble litigieux  -  aient laissé apparaître clairement que des  pièces essentielles ayant servi à la mutation de l’immeuble « Bibliocafé Tsarazoro » étaient entachées de faux,  une fois transmis par la gendarmerie à qui de droit, le dossier a fait l’objet d’un « classement sans suite ».

A elle toute seule pourtant, la déposition du 18 avril 2017 de l’adjoint au maire, censé avoir certifié conforme la photocopie de la carte d’identité nationale (CIN) de la prétendue vendeuse, aurait pu suffire à faire s’écrouler comme un château de carte toute la procédure de mutation de la propriété disputée. « Ce n’est pas ma signature et ce n’est pas le cachet attaché de la Commune utilisé à l’époque qui est sur cette certification de carte d’identité nationale. J’affirme qu’il s’agit d’un faux », telle est la traduction libre de la déclaration devant les enquêteurs de R.B.E, adjoint au maire de la Commune de Sabotsy Namehana au moment des faits, là où la photocopie de CIN est déclarée avoir été certifiée (cf. facsimilé 4). Et lui de fournir, à l‘appui, des spécimens de sa signature ainsi que du vrai cachet de la Commune (cf. facsimilé 5) pour prouver que ni l’une ni l’autre n’étaient identiques à ceux figurant sur ce document frauduleusement authentifié, ayant servi à la mutation de l’immeuble litigieux.

Illégalités flagrantes

De même,  dans sa déposition, la nommée Razaraniaina Nirisoa Isabelle, une des personnes ayant fait office de témoins dans l’acte de vente établi en 2010, remet en cause l’authenticité même de l’acte de vente de 41.000.000 d’ariary, celui-là même qui a servi à la mutation de l’immeuble « Bibliocafé Tsarajoro ». La concernée soutient mordicus en effet n’avoir signé qu’un seul acte de vente, celui avec un montant de vente de 51.600.000 ariary. Et elle de soutenir que, contrairement à ce qui y est mentionné, elle n’a jamais signé cet acte de 41.000.000 d’ariary.

Or sa prétendue signature s’y trouve. Autrement dit, il s’agit d’un faux. Ce même témoin de marteler par ailleurs que l’objet de la transaction était bien un prêt d’argent et non une vente d’immeuble, l’acte de vente ayant été établi « sous forme » (sic) à la demande de la prêteuse. Une version qu’elle a toujours soutenue aussi bien dans un document manuscrit le 21 septembre 2011 (cf. facsimilé 6), que devant huissier de justice le 19 octobre 2012, c’est-à-dire dans le cadre de la première plainte.

A noter par ailleurs que, déjà en 2016, des déclarations et inscriptions fausses ont été relevées dans les enregistrements de l’acte de vente dans les différents livres de l’administration publique. Ce, alors que ces inscriptions sont censées être les transcriptions exactes de l’acte original, lequel doit être obligatoirement présenté lors de telles formalités administratives. C’est ainsi que, si dans l’acte de vente il n’est fait aucune mention de la situation maritale de la vendeuse,  l’inscription dans le livre de l’enregistrement et timbre d’Ambohidratrimo mentionne que la plaignante est mariée, et de surcroît à l’époux de l’accusée (!). Un passage qui sera raturée par la suite, rature non contresignée par la soi-disant vendeuse.

De même, dans le livre de l’enregistrement, il est inscrit que la vendeuse demeure au lot II A 73 HV Ambatomainty alors que dans l’acte de vente, elle est déclarée habiter au lot 276 MC Mandrosoa Ivato. L’acte de vente original n’aurait-t-il pas été présenté, comme l’exige la procédure, lors de l’inscription et la transcription dans les livres ? De même, la supposée vendeuse n’était-elle pas présente lors de la procédure et c’est ce qui expliquerait l’absence de son contreseing pour valider la rature sur la transcription ?

En tout état de cause, résumées, toutes les dépositions des préposés des services publics (mairie, service de l’enregistrement et celui des domaines) entendus dans le cadre de l’enquête sur cette deuxième plainte pour « faux et usage de faux en écriture publique et authentique – Escroquerie » corroborent l’existence de graves illégalités dans la procédure d’enregistrement et de mutation de l’immeuble « Bibliocafé Tsarajoro », pour ne parler que de l’existence de deux actes de vente différents par leurs montants mais portant sur un seul et même immeuble. L’affaire, dans ces conditions, était-elle susceptible d’un « classement sans suite » ? Le rebondissement qui aurait pu s’ensuivre, en tant que fait nouveau,  aurait bien pu permettre de rouvrir le dossier pénal  Andriamisamalala Maminirina Lynda contre Rasoloharivony Marie Héloïse. Ceci expliquerait-il cela ?

La Rédaction

 

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Editorial

  • Menace permanente
    Un amateur du cruciverbisme risque une fois de tomber sur un énoncé « menace permanente » un mot de dix cases : « INSECURITE ». On ne cesse point d’insister sur la nécessité primordiale et cruciale d’évoquer les problèmes récurrents liés à l’insécurité qui règne dans le pays qui est justement une menace permanente pour les hommes et leurs biens.

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